BTOB NEWS N°54 – Mars 2025
L’intelligence artificielle va-t-elle révolutionner le commerce de gros ? Elle offre en tout cas des perspectives vertigineuses de gains de productivité dans la plupart des métiers, de la logistique au commercial en passant par les ressources humaines. À condition de prendre également en compte ses limites, ses risques et ses coûts cachés. Par Anne Denis
Extrait de l’article […]
La logistique : un potentiel de transformation important
Dans les métiers du transport et de la logistique, le potentiel de l’IA est prometteur. Stéphane Antiglio, également président du groupe PHE-Autodistribution, en témoigne : « La data bien
travaillée nous permet déjà d’optimiser les livraisons et l’allocation des emplacements dans nos entrepôts ».
Une technologie accessible également aux PME, estime Boris Richeux, directeur général du grossiste en fruits et légumes Bratigny3, à Rungis : « Je pense que les puissances de calcul phénoménales qui se mettent en place en France seront utiles à notre secteur. Prenons le cas d’un client qui passe des commandes dans tous nos rayons : une IA peut aider le préparateur
de commandes à optimiser l’assemblage « en legos » de sa palette, en tenant compte des tailles des différents colis. Cet exercice, quasi impossible pour un humain, sera très facile pour une IA ». Guillaume Desveaux est président d’AI Cargo Foundation, une association créée en 2020 pour aider les acteurs de la filière transport-logistique à intégrer des outils d’IA « neutres et souverains » dans la supply chain et, surtout, à s’en servir pour décarboner leur activité. Il distingue deux grandes catégories d’intelligence artificielle : « L’IA déterministe existe depuis 40 ans et permet de faire des prédictions à l’aide de données antérieures ; l’IA générative apparue en 2022 constitue, elle, une véritable rupture anthropologique car elle peut, à partir de données, créer un contenu original ». Selon lui, les cas d’usage concrets mixent en général les deux catégories.
Qui des applications au secteur du B to B ? Guillaume Desveaux conseille de s’inspirer d’Amazon, même si le géant américain est la référence du B to C, « car c’est le premier logisticien du monde, et il est data native ». La plus grande force du géant américain, explique-t-il, c’est de disposer d’un volume gigantesque de données grâce auquel une IA prédictive atteint un très haut niveau de précision.Ce qui permet une optimisation extrême des approvisionnements, avec laquelle il semble impossible de rivaliser. « Pourquoi ne pas mutualiser les données de plusieurs grossistes qui permettraient d’entraîner des modèles d’IA et d’améliorer leur prédictibilité ? » suggère Guillaume Desveaux. La confidentialité, voire l’anonymisation des données de chaque acteur peut être garantie, souligne-t-il, grâce à l’intervention d’un tiers de confiance – l’une des missions d’AI Cargo Foundation.
Cette masse de données permet aussi d’optimiser la gestion des entrepôts en prédisant les commandes avant même que les clients ne les passent. « Aujourd’hui, Amazon garde à quai des camions chargés prêts à partir parce que, statistiquement, il y aura, dans les 15 minutes, des commandes correspondant à une prédiction ». Là aussi, gain de temps et de productivité en perspective dont le BtoB peut s’inspirer. Quant aux tournées de livraison, Guillaume Desveaux estime que les grossistes peuvent encore gagner en efficacité, toujours via la mutualisation : « Ce qui est optimisé à l’échelle unitaire ne l’est pas forcément à l’échelle du système global. L‘IA permet de changer d’échelle ». ll cite le cas de la start-up Califrais basée à Rungis, qui massifie les livraisons, avec laquelle AI Cargo collabore. « Si trois restaurants d’une même rue de Paris passent chaque jour une commande à plusieurs grossistes de Rungis, Califrais peut coordonner ces flux à la sortie de Rungis. Et c’est une seule camionnette, au lieu d’une dizaine, qui livrera cette rue ». Avec un bénéfice économique, mais aussi écologique.
L’IA ouvre également, selon lui, de nouvelles perspectives pour le secteur de la répartition pharmaceutique : « Son modèle impose de pouvoir livrer une officine deux fois par jour pour que le patient ait son médicament dans la journée. Si on réinterroge les vrais besoins, on peut changer l’architecture du système et réduire de façon spectaculaire les coûts environnementaux en découplant les flux de réassort de ceux des commandes de fonds de stocks. Impossible à réaliser sans IA vu la complexité des modèles de données ». En lien avec son objectif de décarbonation, AI Cargo Foundation a aussi conçu, à l’intention des chargeurs, la plateforme « Appel d’aiR », pour stimuler le report modal du camion (89 % du fret) vers le rail et le fluvial. « Même si leur conscience écologique est plus forte qu’avant, les professionnels ne choisiront ce report modal que s’il est compétitif. Or vu qu’un train ou une barge représente chacun l’équivalent de 40 camions, ce n’est qu’en mutualisant les besoins de plusieurs acteurs qu’on pourra saturer ces modes de transport », explique Guillaume Desveaux. Après avoir modélisé l’intégralité des réseaux ferroviaire et fluvial, collecté des millions d’ordres de transport pour cartographier les flux de fret, Appel d’Air fait tourner des algo rythmes d’IA pour simuler le nombre de trains ou de bargesnécessaires à un remplissage optimisé.
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